Retour sur l’exposition Les banques dans la Grande Guerre : archives inédites.

Ce matin, j’ai reçu un e-mail des plus sympathiques. Antoine, l’ami archiviste d’entreprise, qui m’a promis un rendez-vous dans son service pour explorer un fonds de documents concernant des femmes employées, propose de me faire patienter en images !

Il m’a envoyé quelques documents d’archives qui ont été présentés dans une exposition à laquelle il a contribué. « Cela te donnera une idée du type de documents historiques que nous conservons dans les établissements bancaires, et de voir comment nous pouvons les valoriser dans une exposition », me précise-t-il.

 

Couverture livret "Les banques et la grande guerre"

Couverture du livret de l’exposition « Les banques et la grande guerre »

 

L’exposition en question, intitulée Les banques dans la Grande Guerre : archives inédites, a sillonné les routes de France en 2015, pour présenter le rôle des banques françaises dans la Première Guerre mondiale. J’ai un peu exploré le sujet en me rendant sur le site web des Archives Nationales et j’avoue être impressionnée par la diversité des archives sur le sujet : affiches, registres, photos, cartes postales, objets d’époque, mais aussi de la correspondance ! Ces documents doivent être très précieux et chargés d’émotion… Les banques qui les conservent sont en fait de véritables musées qui permettent de comprendre l’histoire sous un angle bien particulier.

C’était une très bonne idée de la part d’Antoine de me faire découvrir – même 2 ans plus tard ! – cette exposition. Le choc de la guerre de 14-18 a laissé des traces profondes dans la vie des Français, et en tant que Lilloise, c’est un sujet qui me touche particulièrement. D’ailleurs, cette photo d’une agence du Comptoir national d’escompte de Paris, totalement détruite à Dunkerque par un bombardement aérien en 1918, me fait froid dans le dos…

agence Dunkerque bombardée

Vue de l’agence de Dunkerque du Comptoir national d’escompte de Paris détruite à la suite d’un bombardement aérien, 1918.
Source : BNP Paribas, Archives historiques.

Antoine, qui a bien compris mon intérêt pour les parcours de vies de femmes, m’a raconté la “petite” histoire qui se cache derrière cette image.

Pendant la nuit du bombardement du 25 au 26 juillet 1918, deux employées de la banque ont fait preuve d’un héroïsme remarquable. A 1h du matin, elles ont effectué un trajet de 45 minutes pour prévenir la direction de la catastrophe. Dès l’aube, l’ensemble du personnel a ainsi pu s’employer aux travaux de surveillance du déblaiement et de déménagement des documents vers la Banque de France. Le veilleur de nuit de l’établissement, enseveli sous les décombres, a également pu être sauvé après une heure d’efforts…

Ces deux employées avaient été embauchées en urgence en 1916, du fait de la mobilisation des hommes. Elles travaillaient comme auxiliaires pour traiter et classer les dossiers en retard. L’une d’elle âgée de 41 ans, était auparavant institutrice… Aurait-elle pu imaginer que les circonstances terribles de la guerre la guideraient vers un tout autre destin ?

La direction de l’établissement, reconnaissante du dévouement et de la solidarité dont le personnel de l’agence a fait preuve, a par la suite décidé de leur octroyer des gratifications.

En racontant l’histoire de ces personnes anonymes, les documents d’archives de cette époque me donnent des informations précieuses au sujet de l’évolution des conditions d’emploi des femmes en France.

Grâce à cette exposition, l’on apprend que les bouleversements entrainés par la guerre  ont provoqué l’arrivée en masse d’une main d’œuvre féminine en renfort dans tous les secteurs d’activité (agriculture, industrie, finance, médecine, transports…). Si l’économie a eu besoin des femmes, travailler est également devenu une nécessité pour elles, les hommes étant partis au combat. C’est ce qu’a vécu Jeanne C., qui a été embauchée en 1918 comme « téléphoniste » dans une banque à Bordeaux. Eh oui, c’est bien sa lettre de candidature originale qui a témoigné pour elle dans l’exposition Les banques dans la Grande Guerre !

Demande d’emploi de Jeanne Cibert, Crédit commercial de France, 1918.

Portrait de Jeanne C., Crédit commercial de France, 1918.
Source : HSBC France, Archives historiques.

Demande d’emploi de Jeanne C., Crédit commercial de France, 1918. Source : HSBC France, Archives historiques.

Lettre de demande d’emploi. Pièce extraite du dossier de carrière de Jeanne C., Crédit commercial de France, 1918. Source : HSBC France, Archives historiques.

dossier de carrière de Jeanne C., Crédit commercial de France, 1918. Source : HSBC France, Archives historiques.

Dossier de carrière de Jeanne C., Crédit commercial de France, 1918.
Source : HSBC France, Archives historiques.

En dépit de leur importante participation à l’effort de guerre, l’Armistice de 1918 a rapidement sonné le renvoi des femmes à leur rôle et leurs activités traditionnelles. En regardant d’un peu plus près les deux affiches pour l’emprunt national envoyées par Antoine, on remarque bien que la femme courageuse s’attelant aux travaux des champs pendant que les armées marchent vers la victoire reprend en temps de paix sa place maternelle au foyer… Les choses redeviennent comme avant la guerre…

Pour autant, la participation des femmes à la Première Guerre mondiale a marqué les esprits et changé la donne. Véritable rupture, la guerre de 14-18 annonce le commencement d’un siècle nouveau, qui connaîtra d’importantes évolutions sociales, syndicales et politiques, et un nouvel élan en faveur des droits des femmes.

Bruno Chavannaz - « Emprunt de la paix », Crédit lyonnais, 1920. Crédit 2 : Crédit Agricole S.A., Archives historiques, fonds Crédit Lyonnais.

Bruno Chavannaz – « Emprunt de la paix », Crédit lyonnais, 1920. Source : Crédit Agricole S.A., Archives historiques, fonds Crédit Lyonnais.

Bruno Chavannaz - « Pour nous rendre entière la douce terre de France », 4e emprunt de la Défense nationale, Société générale, 1918.

Bruno Chavannaz – « Pour nous rendre entière la douce terre de France », 4e emprunt de la Défense nationale, Société générale, 1918. Source : Société Générale, Archives historiques.

Grâce à ces premières images envoyées par Antoine, je commence à réaliser à quel point les archives d’entreprises sont des témoins importants de leur époque. Elles sont empreintes d’une émotion particulière et illustrent avec force l’évolution de la place des femmes dans la société.

J’ai hâte d’en découvrir davantage lorsque j’irai lui rendre visite au service des archives historiques de sa banque !

Pour en savoir plus :

Sur l’exposition « Les banques dans la Grande Guerre  » :

Sur les femmes dans la grande Guerre :

Sur l’histoire du droit de vote des femmes en France :