« J’aimerais que les femmes naissent administratrices, comme les hommes »

Nicole Etchegoïnberry – Présidente des Elles du Groupe BPCE

Nicole Etchegoïnberry – Présidente des Elles du Groupe BPCE

Nicole Etchegoinberry, la présidente du réseau féminin les Elles du Groupe BPCE, ne se résigne pas. Elle n’en a aucunement l’intention. Parce qu’elle sait combien la place des femmes dans la société est fragile. Parce qu’elle sait combien l’égalité est loin d’être une évidence, en entreprise aussi. Parce qu’elle sait combien les acquis n’ont en réalité … rien d’acquis. Entretien avec une femme viscéralement engagée.

Marie : Pouvez-vous nous raconter la genèse de votre réseau ?

Nicole Etchegoinberry : Fin 2008, quelques mois avant la création du Groupe BPCE (le 31 juillet 2009), constatant qu’il y avait peu de femmes à des postes de dirigeantes, nous avons organisé une manifestation au thème provocateur : « Où sont les femmes ? » Devant l’engouement déclenché, pas de doute possible : il fallait poursuivre dans ce sens. A la même époque le secteur financier travaillait à la constitution d’une fédération de réseaux féminins, Financi’Elles (officiellement lancé en mars 2011). Nous avons donc œuvré pour la création de notre réseau de femmes qui a vu le jour en 2012. Nous avions (et nous l’avons toujours) le soutien de notre président du directoire, François Pérol, qui est un homme qui ne fait pas semblant, un homme convaincu par la mixité.

Près de 10 ans après cette prise de conscience collective, quel bilan tirez-vous ?

Nous nous étions fixés quatre objectifs : accélérer l’accession des femmes à des postes à responsabilité, créer des réseaux de femmes dans tous les établissements bancaires du groupe, combattre les stéréotypes et constituer un levier auprès de la Direction des ressources humaines du groupe permettant de faire avancer les politiques de mixité. Je dois dire que, depuis 2012, on a quand même fait bouger les lignes. Dans notre groupe, presque la totalité des établissements disposent de réseaux de femmes. Le premier plafond de verre a été franchi pour les femmes cadres, même s’il reste du travail quant à l’accession des femmes à des postes de cadres dirigeantes. Mais je reste préoccupée …

Préoccupée … ?

Quand je vois les violences faites aux femmes, je me dis que le combat en faveur des droits des femmes est loin d’être gagné. C’est une bataille qui ne fait que commencer. Restons attentives, individuellement et collectivement à la place de la femme et à son évolution dans la société. Rien n’est jamais acquis. Il reste énormément à faire pour lever les freins sociétaux et culturels.

Pensez-vous que les réseaux d’entreprises devraient s’impliquer davantage en faveur de la place de la femme dans la société ?

Je ne sais pas si on devrait s’en occuper. Mais on devrait peut-être en parler. En parler, c’est sans doute déjà s’en occuper. Pour qu’on accorde aux femmes la place et la reconnaissance qui leur reviennent dans la société, il ne faut pas seulement qu’une poignée d’entre elles, soient-elles emblématiques, s’empare du sujet. Il faut que toutes les femmes, chacune à leur niveau, agissent. Le combat doit être individuel et collectif. Peut-être qu’en prenant part à un réseau de femmes, certaines se sentiraient moins vulnérables, créant ainsi une véritable force commune.

Un souhait pour la décennie à venir ?

J’aimerais que les femmes naissent administratrices, comme les hommes. On a réussi à inventer – dans le cadre de la loi Copé-Zimmermann, qui est par ailleurs une très très bonne initiative, des formations – qui, soit dit en passant, sont d’un grand intérêt – pour que les femmes deviennent administratrices. Il faut donc que les femmes, contrairement aux hommes, passent par la case formation. Egalité vous dites ? Cherchez l’erreur…

Vous semblez déterminée …

Je ne défends pas une cause, je revendique le droit à l’expression et à l’épanouissement professionnel des femmes au même titre que les hommes. Tant qu’on ne me dit pas que je suis entêtée, je persévère. La persévérance est la noblesse de l’obstination.